Année 2016-2017

 

Penser, c'est dire non. Remarquez que le signe du oui est d'un homme qui s'endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non. Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n'est que l'apparence. En tous ces cas-là, c'est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l'heureux acquiescement. Elle se sépare d'elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n'y a pas au monde d'autre combat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c'est que je consens, c'est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c'est que je respecte au lieu d'examiner.

 

Alain Propos sur les pouvoirs 1924.

 

 

 

 

 

Au théâtre, il y a les personnages qui disent « non » sans que leurs auteurs ne disent rien. Ni oui ni non. Ils laissent simplement parler les personnages. Ils laissent entendre des « non ».

 

Il arrive que des auteurs de théâtre disent « non » à leur tour. Alors leurs « non » fait écho aux « non » clamés ou murmurés par les personnages.

 

« Non » mais à quoi ou à qui le dire et le faire entendre ?

 

Dire « non » est une façon simple de résister.

 

A l'ordre, à la contrainte, à la bêtise, à l'intimidation, à ses propres peurs.

 

Dans l'histoire du théâtre, c'est Antigone, celle de Sophocle, qui, la première sans doute, a dit « non ». A Créon.

 

Un « non » entêté pour opposer à la loi provisoire de la Cité, celle, immémoriale, du respect donné aux morts.

 

Sur un autre mode, celui de la comédie, Aristophane, fait dire un même « non » à Lysistrata et à Trygée. Tous deux, elle, en femme rusée , lui en vigneron obstiné, s'opposent à la guerre imbécile.

 

C'est dans la voie ouverte par La résistible ascension d'Arturo Ui, qui sera représentée au cours de la saison au Phénix que l'atelier, s'y avançant, explorera les mille et une manières de dire « non » des personnages de théâtre.

 

Si Bertolt Brecht invente le mot « résistible », c'est pour l'opposer à la prétendue irrésistible ascension qui serait comme une fatalité contre laquelle on reste impuissant. Résistible signifie qu'on aurait pu, qu'on aurait dû résister.

 

Voilà pourquoi, sans aucun doute, Grand'peur et misère du IIIe Reich, autre pièce de résistance, s'achève par cette réplique d'une femme :  Le mieux est de mettre un seul mot : Non !  par laquelle elle répond à un jeune ouvrier qui demandait :  Alors qu'est ce qu'on va mettre dans ce tract pour le référendum ?

 

" Non » amusé, ironique, cinglant... « Non » tragique, révolté... « Non » de colère ou de rire.

 

Mais, à chaque fois, « non » pour dire que cela suffit. Que, précisément, retrouver une dignité d'homme, de femme, passe par ce mot si bref et, parfois, si difficile à prononcer.

 

Cette année, l'atelier s'essaie à une nouvelle formule. Deux moments ; deux groupes ; mais on le souhaite, on y travaillera, des enthousiasmes et des émotions partagés.

 

De semblables explorations menées selon des singularités et des rythmes différents.

 

 

 

Albert et Kristell