Le programme de la présentation de travaux

 

Que ce soit Labiche, Hugo, Courteline, Pommerat ou Molière, au fond peu importe, dans l'atelier qui est le notre. Non que nous haussions les épaules de dédain ou par indifférence pour ces auteurs, il s'en faut de beaucoup...

 

 

 

Et si Labiche, Courteline, Feydeau, Pommerat et Hugo sont au « programme » ce soir, c'est surtout parce qu'ils nous ont donné, tout au long de l'année, l'occasion, à de très nombreuses et régulières reprises, de nous retrouver. Et maintenant de vous retrouver.

 

 

 

Notre monde semble voué à l'atomisation. Chacun pour soi et comme le ruminent les nombrilistes satisfaits d'eux-mêmes et de leur génie qui ne doit rien aux autres, « parce que je le vaux bien ».

 

 

 

J'aime le mot d'atelier parce qu'il dit la modestie et le caractère artisanal de notre travail hebdomadaire et, au-delà, du théâtre en général quand on le pratique, même en amateur.

 

 

 

Modestie car seul, en dehors de monologuer devant un miroir, on n'est pas grand chose. On apprend la modestie parce qu'on a besoin de l'autre pour une scène, pour la réplique ; et puis de l'autre, on découvre qu'il a aussi des idées et pas forcément les nôtres. Alors ? Alors, on dialogue et on compose. De l'autre aussi, j'ai à attendre qu'il me raconte ce que j'ai fait en jouant, car je n'en ai qu'une bien vague idée, souvent fausse. Il sera mon miroir, il sera ma mémoire et, ce faisant, m'aidera à comprendre pourquoi là c'était bien et ici moins. Et j'accepterai ses remarques.

 

 

 

Artisanal parce qu'il faut imaginer et inventer des solutions écrites nulle part à des problèmes aussi nombreux qu'imprévus. Artisanal parce qu'on bricole, qu'on tente, qu'on essaie et se reprend, qu'on corrige et avance à pas lents et comptés. Modeste et artisanal donc ; tout le contraire de ce qui aujourd'hui nous donne l'ordre d'aller vite, de ne rien apprendre, d'obtenir sur le champ du tape à l’oeil, du « pas-prise-de-tête » en cliquant, en cliquant...

 

 

 

Modeste et artisanal, mais irremplaçable car chacun de ceux qui vont jouer ce soir, en authentique donneur de vie a pris en charge des mots prononcés par des personnages, c'est à dire par personne. Ces mots, on les appelle texte de théâtre, répliques... Daniel Mesguich disait qu'ils étaient ce qui restait d'un spectacle antérieur...

 

 

 

Ces mots, ceux de Hugo, de Pommerat, de Labiche ou de Courteline, sont ceux d'une humanité possible et parfois improbable. En apparence, cette humanité ne nous ressemble pas parce que, comme Narcisse, nous nous aimons... et nous nous sentons (assez) parfait dans notre genre...

 

 

 

Le théâtre, lui, nous dit jusqu'où les êtres humains sont capables d'aller, nous dit ce qu'ils sont capables de faire. Jusqu'où Lucrèce Borgia est-elle capable d'aller pour sauver celui qui ignore qu'elle est sa mère ? Jusqu'où harpagon est-il prêt à aller, lui qui dépossède son fils de celle qu'il aime, qui ne vit que pour son or et son argent et transforme sa maison en tombeau ? Et les couples imaginés par Joël Pommerat que vont-il jusqu'à accepter pour « avoir » un enfant ? Et que se cachait -mal- cet autre couple et que le départ d'un fils va révéler ? Quant à l'humanité créée par Labiche et Courteline, sous couvert d'honorabilité, de moralité et de bonne conscience, ne dévoile-t-

 

elle pas la « bête1 » en elle : celle qui flaire le sexe ; celle qui torture par plaisir des animaux ou son prochain ; celle qui a peut-être violé et tué ? Et là, au miroir grossissant du théâtre, d'un coup, nous nous reconnaissons.

 

1 Pauvres bêtes d'ailleurs qui ne se comportent jamais comme les humains sont capables de le faire... Quelles bêtes

d'ailleurs pourrions nous insulter en les traitant d'humaines !